Dans le bassin du fleuve Sénégal, l’implication des migrants dans leur région d’origine relève d’une longue histoire construite au gré des évolutions de la migration et des relations entre pays de départ et pays d’accueil. Si la migration est une ressource pour les localités d’origine, comme en témoignent les multiples transferts dont elles sont bénéficiaires, les migrants, sans remettre totalement en question ce schéma, ont reconsidéré leur engagement ces dernières années, en s’adaptant à la nouvelle donne politique locale. Dans le cas du Mali, la décentralisation, le découpage communal et l’avènement de la démocratie locale ont répondu aux attentes des migrants qui déclarent « avoir fait la décentralisation avant l’État », dans la mesure où, durant des décennies, ils ont financé des équipements collectifs. Face à un État absent, les migrants ont pallié ce désengagement, à distance. Dans la région de Kayes, la gestion des affaires locales se retrouve désormais aux mains des élus communaux, dont certains sont d’anciens migrants. Pour ces édiles à la recherche de partenaires, les migrants ont été identifiés comme des interlocuteurs privilégiés. Considérés soit comme des bailleurs, soit comme des relais susceptibles de porter les intérêts de la commune auprès des collectivités dans lesquelles ils résident, ils ont été directement intégrés dans le jeu politique local. De leur côté, avec une réactivité assez surprenante, les migrants ont créé un niveau supplémentaire dans le tissu associatif, avec la mise en place d’associations communales. Dans ce cadre, ils ont aussi engagé un dialogue avec les élus et les populations sur les projets de développement communal, dans la perspective de renégocier leur rôle, notamment leur implication financière, mais aussi leur accès à la citoyenneté locale.