Vers la fin du XXe siècle un mal a frappé le monde. Tous n'en sont pas morts, mais tous en furent atteints. On a donné au virus qui était à l'origine de l'épidémie le nom de « virus libéral ». Celui-ci avait fait apparition vers le XVIe siècle à l'intérieur du triangle Paris-Londres-Amsterdam. Les symptômes par lesquels il se manifestait alors paraissaient anodins et les hommes (que le virus frappait de préférence aux femmes), non seulement s'y accoutumèrent et développèrent les anticorps qu'il fallait, mais surent même tirer parti du tonus renforcé qu'il provoquait. Mais le virus traversa l'Atlantique et trouva dans la secte de ceux qui le colportèrent un terrain favorable, démuni d'anticorps et de ce fait donnait à la maladie qu'il provoquait des formes extrêmes. Les crises de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, dont fort heureusement nous sommes définitivement sortis maintenant, s'articulaient toutes sur les confusions et les impasses que provoquait cette schizophrénie. La Raison - la vraie, pas l'américaine - avait fini par l'emporter. Tous les peuples survécurent, Européens, Asiatiques, Africains, Américains et même Texans, qui ont beaucoup changé depuis et sont devenus des êtres humains semblables aux autres. J'ai choisi cette fin heureuse, non par optimisme indécrottable, mais parce que dans l'autre hypothèse il n'y aurait plus eu personne pour écrire l'histoire. Fukuyama aurait eu raison : le libéralisme annonçait bien la fin de l'histoire. Toute l'humanité avait donc périt dans l'holocauste. Les derniers survivants, des Texans, s'étaient organisés en bande errante puis immolés à leur tour, sur l'ordre du chef de leur secte, qu'ils avaient cru être un personnage charismatique. Il s'appelait Bush lui aussi. J'imagine qu'on écrira l'histoire de notre époque à peu près dans ces termes. C'est en tout cas dans ceux-ci que je proposerai ici l'analyse de ses crises.