L'heureuse coexistence d'un prologue et d'un épilogue pour encadrer ce récit de vie, ne signifie nullement que l'on a voulu sacrifier à un rituel littéraire convenu, mais montre la ruse d'une plume soucieuse de dévoiler les dangers de la bigamie, en prenant le lecteur à témoin. Allan Marouani y parvient en se servant de son expérience personnelle. Il met particulièrement en relief les circonstances qui l'ont conduit à ce régime matrimonial. Tout d'abord, cette manière de « péché originel » qui ouvre l'itinéraire le jour où, « rentrant à la maison à une heure inaccoutumée, j'entendis des gémissements venant de notre chambre à coucher et qui endolorirent mon cour ». Dissolution du premier mariage et noces avec la belle Farah « au corps de bambou ». Splendeurs de la vie, tendresse débordante. Hélas, le narrateur n'a pas trouvé en elle « ce levain nécessaire pour faire épanouir les fleurs de la vie ». Donc liaison et mariage avec la « plantureuse » Mona. Puis, passage douloureux et quête impossible de l'équilibre dans cette bigamie où entre autres servitudes, chacune des épouses, folle de jalousie, épuise l'époux pour le rendre indisponible et contrarier ainsi la coépouse. Passage initiatique aussi, dans la mesure où Marouani se forge une personnalité au fil des conflits. Il apprend à mentir, et la bigamie devient une école du travestissement, jusqu'au jour où il décide de rompre avec Mona, en se justifiant : « Je n'avais trouvé en elle rien de ce que j'attendais : ni poésie, ni esprit, ni fantaisie, ni folie et surtout pas d optimisme ». Finalement, le narrateur n'a-t-il pas été son propre bourreau pour avoir voulu inventer la bigamie comme un jeu? N'est-il pas la révélation de cette part égoïste de nous-mêmes qui nous condamne à une permanente oscillation entre splendeurs et misères?