Odile Felgine nous avait déjà fait part de ses étonnantes
pérégrinations dans Voyage chez les Si-Li et autres traversées. Ce
livre semblait exhumé du fond des âges, comme si nous avions affaire à
la nouvelle Enquête d'un Hérodote revenu du pays des songes. Dans des
contrées aux frontières incertaines, limitrophes peut-être des
territoires arpentés naguère par Henri Michaux, on allait à la
rencontre de peuples et de tribus multiples, les Hi-Mi, les Aniputi,
les Kori, les Chamb, les Si-Li... Scribe onirique, Odile Felgine se
faisait aussi l'anthropologue exact de leurs modes de vie et de leurs
mours, de leurs tendresses et de leurs obsessions. Ainsi
observait-elle les coutumes des Intenses : « Ils se pressent dans les
cavernes. Toutes. Celles de la Terre, celles du corps, celles de la
mémoire. Ils changent sans cesse d'apparence et de nom : vibrations et
vibrions, civettes et furets, répétant, sans cesse, les mots qui
éclairent. » Et parmi les myriades de confréries Si-Li, force était de
constater que la caste des brigands avait aussi sa manière de vénérer
le verbe : « Car la langue de ce peuple est une sorte de sabir émis
par des bosquets d'orchidées. Les brigands aiment à se parfumer de
mots et de phrases, ils s'enveloppent dans des histoires qui leur
tiennent chaud. »