Livrel (ePUB, HTML, Tatouage) 109p.
(Afrique en scène)
ISBN: 978-2-37918-049-1
En se pliant avec virtuosité-aux lois de la pièce radiophonique, qui
ne dispose que d'échanges verbaux et d'effets sonores pour transmettre
ses messages, Wole Soyinka a introduit dans « Du Rouge de Cam sur les
Feuilles », fougueuse tragédie du début de sa carrière, des
conceptions qui allaient se retrouver dans toute son oeuvre.
Construite sur le modèle d'un rituel initiatique, cette pièce met en
scène un violent conflit de générations, dont l'issue, bien que
fatale, marque pourtant, pour Isola, le héros, le passage de l'enfance
à la maturité et de la sujétion à la libération. Le thème d'une quête
d'identité était d'une grande actualité en 1960, date de composition
de cette oeuvre, alors que, prêt à secouer le joug de la colonisation,
le Nigéria allait fêter son Indépendance. Le destin problématique
d'Isola, jeune homme à la recherche de soi, partagé entre la tradition
et le modernisme, mais épris avant tout de liberté, préfigure celui de
la nouvelle nation nigériane. ERINJOBI, le Pasteur, qui cherche dans
les commandements bibliques la justification de son autorité
patriarcale, persécute son fils au nom du christianisme, exactement
comme, à l'aide de la Bible et de la Charrue, le colonisateur avait
jadis imposé sa pesante domination au peuple nigérian. La révolte
d'Isola contre ce père castrateur évoque précisément la lutte du
Nigéria contre la domination coloniale à la fin de la décennie 1950.
Par défi, le jeune homme, au fond de lui-même plus moderne que
traditionaliste, participe aux mascarades traditionnelles d'Egungun,
mais viole en même temps, avec un plaisir insolent, les tabous imposés
aux fils de la tribu par les Anciens, et séduit, par amour il est
vrai, la très innocente Morounké.