Livrel (ePUB, HTML, Tatouage) 670p.
(Recherches africaines)
ISBN: 978-2-37015-579-5
Quatre-vingts pour cent (80 %) d'Africains recourent quotidiennement à
la médecine traditionnelle pour leurs problèmes de santé. Qu'est-ce
qui est réellement fait pour une prise en compte maximale de cette
médecine ? Par qui et comment cela est-il fait ? Consacrée à la
médecine traditionnelle africaine dite tradipratique, notre réflexion
entend s'interroger en profondeur sur le sort réservé à cette
médecine, tout au moins à certaines de ses composantes, dans les choix
thérapeutiques des Africains et les initiatives privées, les
organismes nationaux et internationaux en charge de la santé des
populations. Ici, et/ou là, fascinés par les atours et les exploits de
la médecine conventionnelle, nombreux sont les bien-pensants ne voyant
l'avenir de la tradipratique que dans sa transformation sur le modèle
occidental, transformation devant aboutir à la production des
« Médicaments Traditionnels Améliorés », voire des tablettes, des
gélules, des comprimés, sirops, pommades et produits injectables, à
l'image de ce qui se vend en pharmacie. Or, pensons-nous, la réduction
de la médecine traditionnelle africaine au parangon uni-organique et
pharmacologique biomédical est simplificatrice : la tradipratique
africaine est complexe : matérielle et spirituelle, physique et
métaphysique, profane et sacrée, magique et religieuse, médicamenteuse
et rituelle, généraliste et spécialisée, directe, proximale,
présentielle et biaisée, télé-active, éminemment préventive et
normative... Parce que globale, holistique, intégrant l'organe dans le
corps total, le patient dans sa famille, sa famille dans la
communauté, et la communauté dans la nature, ses nosologies débordent
la définition de la santé et de la maladie proposées par
l'Organisation mondiale de la santé, pour inclure le physique et
l'extra-physique, l'individuel et le groupal. Conséquemment, ses
thérapies apparaissent en une logique relationnelle articulant le
physique au métaphysique, l'humain à l'extra-humain et au cosmos.
D'une certaine manière, la médecine traditionnelle africaine est
sous-tendue par un humanisme élastique, plastique, une ontologie
extensible jusqu'aux limites du divin, c'est-à-dire à la conception
d'un homme perfectible, modulable et dont les capacités décuplées
autorisent des performances hors du commun : crypto-communication,
blindage, contre-sorcellerie, contre-accident, contrepoison,
contre-vol, contre-couteau, contre-repas et rapports sexuels en rêve,
sans oublier le maintien de la virilité des octogénaires, le choix du
sexe d'un bébé, la maîtrise de la foudre et de la pluie... N'en
voilà-t-il pas assez pour mériter autre chose qu'un ricanement
méprisant et un silence hypocrite