La crise agraire africaine présente plusieurs dimensions
interdépendantes : crise de la productivité, des régimes fonciers, de
l'écosystème, et crise rurale. La manifestation la plus pernicieuse se
trouve dans l'exode des jeunes ruraux provoqué davantage par la
paupérisation que par les perspectives d'une vie meilleure en ville ou
à l'étranger. Dans les approches néolibérales qui inspirent ou
justifient les pseudo-solutions mises en ouvre depuis plus de trois
décennies, la croissance mondiale du produit agricole doit être
l'objectif prioritaire des politiques agricoles dans tous les pays.
Les exploitations agricoles du quart monde, du monde occidental et des
pays dits émergents doivent être mises en concurrence dans le cadre de
la soumission aux oligopoles mondialisés et financiarisés de
l'agrobusiness qui exigent partout la privatisation des droits d'accès
au sol agricole. Or la crise s'aggrave depuis que les acteurs
puissants du système ont imposé aux sociétés africaines les accords de
l'OMC et bilatéraux qui les obligent à renoncer à la recherche de la
souveraineté alimentaire nationale ou sous-régionale et à inscrire les
exploitations paysannes dans les chaînes de valeurs visant à en
évincer le plus grand nombre et à transformer les autres en salariés
occasionnels sous-payés. L'option de développement durable et
solidaire permet aux auteurs de ce livre de soumettre au débat des
analyses qui proposent des transformations sociales fondées sur trois
principes : une démocratisation des sociétés rurales qui intègre
l'égalité des sexes et la participation effective des producteurs
agricoles au débat sur les dimensions agroalimentaires et
agroécologiques des choix économiques et sociaux; la construction de
systèmes agroalimentaires souverains dans un monde polycentrique; et
le refus de considérer la privatisation des droits d'accès aux sols
agricoles et leur transformation en marchandise banale comme des
conditions fondamentales de la solution à la crise agraire. Dans cette
option, le marché régulé et la planification ne sont plus que des
moyens de réaliser les objectifs.