Joël Girard porte en lui divers âges, diverses questions. Il n'est
donc pas étonnant que ses poèmes allient ces âges, ces questions. Il
n'est donc nullement étonnant que les poèmes recueillis ici tissent et
organisent, entre ces âges et ces questions, de nombreuses
implications réciproques. L'espace poétique est un territoire sur
lequel adviennent des séries d'engendrements et des séries de
ruptures. La longue histoire à la suite de laquelle ces poèmes
naissent est aussi celle de quelques événements peu glorieux. Les
poèmes ne pouvaient pas ne pas récapituler les moments de cette
histoire. Il fut un temps où les navires des négriers creusaient sur
la surface des mers des sillons mortels. Au fond des cales gisaient
des cargaisons d'hommes et de projets étouffés. Au fond des cales
naissaient aussi, paradoxalement, de nouveaux signes de vie. Des îles
ne devaient-elles pas finir par apparaître à l'horizon ? Né à la suite
d'une longue histoire, le poète est devenu le riverain d'un océan.
L'articulation d'un faire et d'un dire est, pour lui, un souci majeur.
Récapitulant une histoire séculaire, il explore l'univers inconnu qui
est devenu son berceau. Quand le poème conquiert finalement son
autonomie et se cristallise en lui-même, le poète se saisit et se
définit en son propre nom et au nom de son peuple.