Drame engagé, au sens où l'on nous parlait, il y plus de trente ans,
de littérature engagée et où les mots avaient parfois la force d'une
arme, Mémoire de sang donne à voir ce qui est le malheur des États
subsahariens aujourd'hui : - un consumérisme effréné et - une
réglementation oppressive et aveugle concernant les gagne-petit et la
condition c peuple. Ces deux options dans la conduite des affaires
transforment le village-État de Mandom en un mouroir qui est aussi une
souricière. Les seules évocations de l'extérieur réfèrent soit au
passé : la lutte d'indépendance; soit à la traite des produits de
rente; le Blanc forestier dont les grumiers écrasent périodiquement
des imprudents qui se trouvent sur leur passage; soit, enfin, à
l'obtention du privilège de former sa progéniture à l'étranger pour
assurer une reproduction des élites aliénées et dangereuses pour tous
ceux qui rêveraient d'autonomie et d'épanouissement. Bref, cette sorte
de gangrène corruptive est l'allégorie sombre d'une fin désespérante
de monde, que le Rebelle (Toussaint Louverture évoluant dans le
barathre des épouvantements du Fort de Joux où l'avait jeté Napoléon
incarne si bien dans Et les chiens se taisaient d'Aimé Césaire. Monny
est de la lignée du Rebelle. C'est un Rebelle qui appelle le lecteur
(futur spectateur du drame ?) à méditer sur cette sorte de malédiction
qui gît au fond de nos styles coprophages de relation avec nous-mêmes
et avec les représentant de cultures et de civilisations différentes
de la nôtre.