L'essence de la politique, c'est la prescription d'une possibilité en
rupture avec ce qu'il y a et pas nécessairement le maintien par tous
les moyens de ce qu'il y a. L'exercice ou l'épreuve de cette
prescription et les énoncés qu'elle commande, sous l'autorité de
l'événement évanoui (marche réprimée contre la faim, par exemple),
passe par des réunions, des discussions, des déclarations, des
interventions et des organisations, en vue de prises de décisions. La
politique est organisée par des dispositifs organisés organisant cette
politique. Cependant, en Afrique, à la place de la pensée politique,
on ne rencontre que des manipulations, des intrigues et des discours,
essentiellement de la propagande, sinon des descriptions
d'institutions, d'« élites », etc. Toute la question de la politique
se réduit, de ce fait, à la conquête du pouvoir d'Etat. Ainsi, dans
nos pays d'Afrique où l'on conçoit la politique comme une profession
et la seule voie pour avoir les meilleurs moyens de vie, elle devient
négative, puisqu'elle est incarnée par toutes sortes de gens corrompus
et est marquée par des luttes parfois sans merci. Mais, une nouvelle
figure de la politique est en voie d'émerger. Sa question centrale est
: Comment changer le monde sans saisir le pouvoir d'Etat ? Comment
construire une puissance politique, à partir de la capacité politique
des gens, capable de dissoudre les rapports oppressifs de pouvoir ?
Comment transformer l'Etat sans une prise de pouvoir d'Etat ?