Livrel (ePUB, HTML, Tatouage) 370p.
(Recherches africaines)
ISBN: 978-2-37015-555-9
L'irruption de l'Afrique sur la scène internationale est un phénomène
relativement récent. Pendant longtemps, en effet, le continent noir
est demeuré à la périphérie du système stratégique mondial. On le
considérait comme un groupe de petits pays pauvres et sans grande
importance politique et géostratégique. Mais si l'Afrique reste encore
marginalisée, elle n'est pas cependant dépourvue d'attraits, car on y
assiste, depuis les années des indépendances, à un affrontement
indirect des grandes puissances. C'est bien là une situation
paradoxale de ce continent voué à une forme de sous-développement
perpétuel, mais qui enrichit, dans le même temps, le reste du monde
qui se déchire pour contrôler ses immenses richesses naturelles. A la
vérité, de très grandes mutations se sont produites dans tous les
domaines, depuis l'accession des pays africains à la souveraineté
internationale. L'émergence d'un nationalisme noir, animé d'espérances
et porteur de nouvelles revendications sociales et politiques, a
entraîné la décolonisation. Mais une fois les indépendances
proclamées, les nouveaux États se sont trouvés dans le tourbillon de
l'instabilité politique et du marasme économique. La grande faiblesse
des structures internes, hâtivement mises en place, l'inadaptation du
système économique et la persistance d'une conjoncture internationale
défavorable ont été les facteurs les plus déterminants. Très peu
d'États ont su ainsi édifier les structures d'un pouvoir national
conçu sur des bases solides. Il s'en est suivi une situation que
certains auteurs ont pu qualifier de « triste chemin parcouru à
rebours depuis les espoirs fous que suscitèrent les premières années
des indépendances ». Dans un tel contexte, les problèmes liés à la
sécurité revêtent une dimension fondamentale. Le caractère artificiel
des frontières, la persistance de conflits ethniques et régionaux, les
nombreux coups et tentatives de coups d'État militaire et le
développement de la pauvreté ont été à la base d'une insécurité
grandissante. Il faut également relever les guerres, sous toutes les
formes, qui « brutalisent » les consciences telles qu'elles sont
apparues en Sierra Leone, au Libéria, au Nigeria et, plus récemment,
en côte d'Ivoire. La coopération en matière de défense et de sécurité
devient dès lors un impératif, une exigence fondamentale pour assurer
la suivie du continent africain. Elle est d'autant mieux ressentie que
les armées nationales ne peuvent, seules, y faire face. « Aucun État
africain, agissant seul n'est capable d'assurer sa protection
militaire de façon adéquate. Les armées modernes exigent une
proportion considérable de main-d'ouvre qualifiée, disponible, une
trop grande part de dépenses budgétaires, une augmentation de dépenses
faites à l'étranger (ce qui détériore la balance des paiements), car
les armes et les systèmes de communication doivent être importés à des
prix relativement élevés. Donc, même si un État africain arrivait à
moderniser son armée et restait isolé des autres, il n'engendrerait
qu'hostilité de la part de ses voisins »2. Ainsi se trouve posée la
problématique des pactes militaires institués dans le but d'organiser
une défense commune et une assistance mutuelle en cas d'agression.
L'option pour un système de défense, organisé à l'échelon régional, a
été préconisée pour trouver une solution réaliste au problème de la
sécurité collective en Afrique. Pour le Président Léopold Sédar
Senghor, ancien chef d'État du Sénégal, une défense conçue à l'échelle
continentale se heurterait à des querelles idéologiques, à des
divisions ethniques ou linguistiques. « A la réflexion, disait-il, je
pense qu'il serait plus efficace d'assurer la défense de nos États
dans le cadre régional que dans celui du continent. On est plus
disposé à mourir pour sa famille, pour sa patrie, son ethnie ou sa
région que pour tout un continent caractérisé, précisément, par des
oppositions d'intérêts régionaux, mais surtout, reconnaissons-le,
d'idéologie ». X X
L'institutionnalisation d'un système de sécurité collective, à
l'échelle de la région ouest-africaine, s'impose d'autant plus que le
phénomène d'insécurité se développe dans cette partie du continent de
manière inquiétante et handicape tous les efforts entrepris pour
sortir du sous-développement. Il s'agira, dans ce cadre, d'analyser,
par une approche globale, le phénomène d'insécurité avant de se fixer
sur les conditions et la portée du système de défense et de sécurité
instauré dans la zone couverte par le traité régissant la Communauté
Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).