Malgré les affirmations de l'orthodoxie et de la culture idéale,
toutes les sociétés humaines, sans exception, font une place
importante à leurs morts directement ou indirectement intégrés à
l'univers de vie. Des sarcophages pharaoniques aux momies tibétaines,
des cendres du Panthéon à la Fête des morts en novembre, de la
croyance aux zombis à celle des morts qui dansent et parlent dans les
sociétés du Golf du Bénin, de la Case des Cranes aux procédures de
vengeance personnelle du mort chez les Sawa-Duala, les morts sont
évoqués et convoqués. Est-on pour autant fondé à parler de culte des
morts ? En négro-culture, ils ne sont ni défunts, ni âmes sommées de
reposer en paix, ni poussière retournant à la poussière. Ils étaient,
sont et seront, ici et la, ici ou là partout, présents, absents,
contents, malheureux, affamés, assoiffés ou comblés. Parmi nous, avec
nous, et parfois, aussi contre nous; surtout lorsqu'ils sont exclus,
expulsés de notre jeu de vivre. Les morts ne sont peut-être pas morts,
mais à force de les nier, de les congeler à la morgue et de les
enfermer dans de tombes en béton armé, nous finirons bien par les
tuer, et nous avec.