Livrel (ePUB, HTML, Tatouage) 583p.
(Essai)
ISBN: 978-2-37918-099-6
Quand on considère l'attitude de l'Occident vis-à-vis de l'Afrique
pendant la colonisation et particulièrement la politique coloniale
française, on imagine difficilement, autour des années 30, un Français
déclarant que la culture nègre est supérieure à la culture blanche,
que l'acte de changer « un masque ou une statue construite en vue de
fins rituelles précises et compliquées en vulgaire objet d'art » à
garder dans les musées, est aussi sauvage (sinon plus sauvage) que
l'acte des « sauvages » transformant « un poteau télégraphique en
flèche empoisonnée. » Un Français l'a, effectivement, fait : Michel
Leiris (1901 - 1990). Il s'est distingué non seulement par cette
attitude propre au surréaliste qu'il était, mais également par le fait
que, contrairement à beaucoup de ces amateurs de la culture nègre qui
sont restés des théoriciens, il a été, avec Artaud, une des rares
personnes à aller « nager dans les eaux du primitivisme. » Il y est
allé dans un cadre officiel en tant qu'« ethnographe », mais aussi, et
surtout, pour des raisons personnelles comme la réalisation d'un désir
urgent d'aller se relover dans « l'ancestralité magique et primitive,
[dans le] vieux fonds de sentiments humains qui est à l'esprit de
l'homme comme une matrice et comme une mère. » De ce contact avec la
mère résultera dans la vie du poète un changement radical, dû à une
tourbillonnante relation entre Leiris et le Négro-africain, dans
laquelle le poète sera tour à tour élève, puis avocat, puis simple ami
désillusionné. Bien que pleine de paradoxes (les objectifs officiel et
personnel étant essentiellement incompatibles), cette relation est si
imbriquée dans l'ouvre et dans la vie de Leiris qu'on peut se
demander, à juste titre, ce que celle-ci aurait été si l'écrivain
n'avait pas effectué ce grand saut dans la négritude.